Tchüssi!

A variant on the colloquial German word for goodbye, Tchüssi is said often when leaving shops or a friend’s house. While to my English ear it sounds cute and characteristically childish, it is far from uncommon to hear it said by big, burly and otherwise entirely masculine German men. While I know they don’t hear it this way, to me this word has an emasculating effect on them which I enjoy each time I encounter it.

Douceur

Douceur en français sonne comme une lente caresse, quelque chose de très sensuel, de très ténu et de très fort à la fois. La douceur est souvent associée à la féminité, à la maternité (j’ai envie d’écrire : au travail maternel, qui peut être pris en charge par des corps multiples) et par extension à la faiblesse, mais, pour moi, elle est chargée de puissance.

J’imagine la douceur comme un miel artisanal qui fond en bouche, sucré et chaud, et nourrit le corps autant que le coeur.

Phallope [trompes de]

Sonne comme « salope », prononcée avec deux dents de devant en moins (insulte qui m’a toujours parue particulièrement cinglante, le s accentué-craché, puis l et p qui claquent comme un fouet). Le Manifeste des 343, réclamant le droit à l’avortement en France en 1971, est aujourd’hui connu, suite à une caricature du magazine Charlie Hebdo, comme le Manifeste des 343 Salopes ― un qualificatif absolument pas revendiqué par ses signataires.

En fait, Phallope s’orthographie Fallope. Mais je n’y peux rien, « phallocrate » surgit et s’en mèle. Et ça me plaît d’écorcher le nom du sieur Gabriel, voilà.

C’est en effet au naturaliste, botaniste, anatomiste et chirurgien italien du 16ème siècle Gabriele Fallopio qu’on doit la « « « découverte » » » des tubes utérins, dûment baptisés Trompes de Fallope. L’anatomie féminine, et tout particulièrement le système reproducteur, est marquée par les noms de valeureux explorateurs masculins, certains ayant effectué leurs « « « découvertes » » » au prix d’extrèmes violences exercées sur le corps de femmes pauvres ou racisées ― tel le « père de la gynécologie » J. Marion Sims, qui a infligé plus de 30 chirurgies vaginales sans anesthésie à son esclave noire Anarcha au milieu du 19ème siècle en Alabama. Des collectifs féministes comme Gynepunk proposent aujourd’hui d’extirper l’anatomie féminine de cette histoire patriarcale et coloniale de la médecine, renommant par exemple Glandes d’Anarcha les glandes para-utrérales éjaculatrices (car, oui ! les femmes éjaculent).

Antidote: Falla
Variation of phalla, for what is phallic, as a feminine retaking of the phallo, the phallus.
Falla in Spanish, like a failure, fault, the original fault or the something missing, but also like an opening, a crack, a fissure.
Falla, in Catalan, from the latin facula, ”torch”. As an incendiary matter, something to be set on fire…
Falar en portugais, parler. Comme acte de prendre parole, prendre la parole.

Fourrer, Fourreau

Noter que l’étymologie latine du mot vagin, vagina, signifie « fourreau, gaine où était enfermée l’épée », suggérant de manière particulièrement agaçante et violente que la fonction première de cet organe est d’envelopper un pénis. Au fait, utérus vient du grec ancien hystérica. Say No More…
Au Québec, « se faire fourrer » signifie se faire avoir. Fourrer implique donc cette idée absurde que les femmes, dans l’acte du coït, ne peuvent que se faire avoir !?!?

Pénispliquer

Ma sœur m’a dit qu’au Québec, mansplaining (mot qui se dit les jambes écartées, comme manspreading) serait parfois traduit par pénispliquer. Notre source québécoise ici présente réfute cette possibilité avec fougue. Je trouve ce mot hilarant, car il convoque tout de suite l’image d’un dickhead, ou tête de bite (insulte qui n’existe pas en français mais qu’il faudrait inventer). Et parce qu’il sonne un peu comme minuscule (péNiS ≈ miNuS, pLiQuer ≈ QuLe), ou ridicule, il renvoie la scène glorieuse du mansplaining au grotesque.

Mais plane sur pénispliquer l’ombre de la transphobie — rabattre le mansplaining sur le fait d’avoir ou non un pénis rend ce mot, tout hilarant qu’il puisse être, absolument inutilisable.

Lecker

I lived for one year in Rotterdam, worked for an international art institution, and did not have enough time or energy left to learn Dutch. One word stuck with me : Lecker (pronounce : LlllèKeurr, hastily, langue qui claque dans la salive, as if you were rolling little pebbles inside your mouth). I heard it for the first time on the street, from a man walking pass me. He looked at me des pieds à la tête with a provocative, dégueu smile and spat that word at me. Retrospectively, I can smell his haleine Heineken-kaaskroketten and see the word lecker projected through the air and splashing my clothes. Each time I have heard it ever since, I shivered with disgust. Later I learnt that it means delicious, and people say it a lot when enjoying a meal.

Antidote: Lecken
In German lecken means to lick. In Berlin, a queer feminist group organizes and proposes “Lecken” as an “erogenous rave with a strong commitment to the dance floor.” It is a womxn-to-the-front space which is open to everyone, sex positive and considers rave as praxis.

[sehaq] سحاق

Le mot arabe pour lesbienne est — à ma connaissance — سِحاقيّة [sehaqia], celle qui pratique le سحاق [sehaq]. Il renvoie à ce qu’on appelle le « tribadisme » dans un français désuet, c’est-à-dire le fait de faire l’amour en frottant son sexe contre celui de sa partenaire. C’est un mot que j’aime, que je trouve séduisant et voluptueux à la différence de « lesbienne », « gouine » ou « dyke ». Il est parfois employé comme une insulte ; c’est aussi une catégorie pornographique.

Je le trouve intéressant parce qu’il désigne une modalité de rapport sexuel, en cela proche d’une insulte homophobe comme « enculé·e ». Les insultes proprement lesbophobes sont, elles, la plupart du temps à distance des corps, témoignant de la pauvreté de l’imaginaire collectif dès qu’il s’agit de penser le sexe et le désir en dehors du coït à proprement parler.

Siririca

En plus de l’allitération exquise du mot, qui me fait penser à une sirène qui rit, I was delighted to learn this Brazilian Portuguese word for female masturbation, and simultaneously sidérée par la réalisation qu’un tel mot n’existe ni en français ni en anglais.

L’un des surnoms affectueux donnés au clitoris en portugais brésilien est grilo, ou, dans le diminutif, grilinho. Ça veut dire le petit insecte criquet. J’ai lu quelque part que l’origine du mot siririca serait une onomatopée pour le son généré par le frottement des pieds du criquet.

Cyprine

Comme un nectar auquel s’abreuver
Comme le fruit ruisselant du désir
Comme le fleuve puissant de l’ardeur des femmes

Autrefois signifiant plutôt déesse de l’amour, utilisé par Nelligan comme proue à son Vaisseau d’or, la cyprine comme signe physique du désir sexuel féminin est popularisé en 1973 dans Le Corps lesbien, de la romancière et théoricienne Monique Wittig.

I find the word gives the impression of something elegant and exquisite. A friend says it reminds her of a pierre précieuse.

Orifice

Un mot presque maritime. Ça me fait toujours penser à plonger dans une chose que je ne connais pas. Ou quelque chose de très agréable, mais ambigu en même temps. Un trou, un passage et un paysage. Une ouverture de saison, une soirée intime, une chanson paradisiaque.

Beijos

Le mot beijos en portugais du Brésil m’est toujours apparu comme une version du baiser à la prononciation juteuse en bouche; mot délicieux, gostoso. De tous les baisers/kiss/bisous/قبلة/besos et autres, le brésilien est celui dont l’énonciation s’approche le plus de la dégustation de l’acte.

Flabbergasted

Like an explosion in the mouth and in the mind.

Revolution

A word that means at once a profound societal rupture and a simple turn of a wheel. It suggests uncanny feelings of “we’ve been here before”. A tumble-weed in the matrix.

Lackadaisical

There’s a joy and lightness in this word that belies its meaning of sluggishness and apathy. The “daisical” clearly elicits thoughts of daisies and the “l” and the“ck” in “lacka” suggest an air of the word frolic. Really, this word is screaming out for a more carefree definition. Just imagine lackadaisically frolicking in fields of daisies. It’s late-summer sunny and your hair is flowing in the breeze. Glorious! Honestly, I wish the world was a bit more lackadaisical. Who ever said 110% effort was the way to go?

Étoile d’araignée

Une enfant qui se fabrique un langage en puisant dans des mal-entendus, au gré d’inventions d’une poésie infinie, qu’aucun~e poète ne saurait tirer de son chapeau car elles sont en-deça des notions de vérité, de justesse ou d’exactitude. Pas de règles ou de valeurs auxquelles les mesurer. Être témoin de cette apparition du langage, écouter surgir ces ramifications inattendues qui renouvellent le regard étroit qu’on pose sur le monde à portée de ses mains, savoir que ça ne durera pas, c’est comme recevoir sans préavis de minuscules trésors qui me touchent en plein cœur.
Étoile d’araignée. Rayures de soleil. Troustillant. Klaxonette. Des mots insulaires, voués à disparaître, transfigurés d’amour.

Slowly

Il y a deux courbes dans la manière de prononcer ce mot qui me fait penser aux montagnes. C’est peut-être la conjonction entre l o plus l y après, avec le w au milieu, une lettre qui en sens inverse est m. Ou c’est peut-être parce que le sens a à voir avec le temps géologique. Il m’est impossible de prononcer ce mot rapidement, même si je prononce le reste de la phrase dans un autre rythme. J’ai toujours besoin de prendre du temps, surtout dans la syllabe lo.

Un mot qui signifie partout et nulle part en même temps. En portugais ça veut dire là bas et c’est écrit lá, mais la prononciation est exactement la même. En français c’est synonyme de ici. En arabe, cela signifie non, c’est-à-dire nulle part, peut-être.

Infatuation

Once I understood what being infatuated was, I could finally enjoy the total obsession and construct of love for a new person entering my life in it’s ephemeral nature, without putting into question my whole existence. Infatuation allows the pleasure of falling repeatedly in love, but avoiding the crash of the fall, staying somewhere mid-air suspended.

Abominable

Toujours accompagné d’un point d’exclamation. Un mot agréable à dire car il est la plupart du temps chargé de drame et d’exagération. Normalement ça veut dire quelque chose de haineux, qui inspire l’aversion, qui doit être extinguible du monde. Mais en même temps, je ne peux pas l’utiliser de manière très sérieuse, il y a toujours un ton d’humour derrière une phrase construite avec ce mot. En ce sens, c’est presque un mot d’attirance plutôt que de répulsion.

Exotic

The most redundant word in the English (european?) language(s). There is no such thing as exotic, the word has no true signification. We live in the anthropocene; I’m in your bed and you’re in mine. The sheets haven’t been washed for centuries. Where’s the exotic distance in this level of intimacy? There’s not.