Dans son livre In the Name of Women’s Rights (Duke University Press, 2017), Sara R. Farris se penche sur les revendications effectuées au nom des droits des femmes par un ensemble à priori hétérogène de partis nationalistes d’extrême-droite, de représentant⋅e⋅s du néo-libéralisme et de certaines théoriciennes et figures politiques féministes. Concentrant ses recherches sur la France, l’Italie et les Pays-Bas du début du 21ème siècle, Farris a forgé le terme de « fémonationalisme » pour décrire l’exploitation et la cooptation de thèmes féministes par des campagnes islamophobes et xénophobes. Son livre offre une perspective transnationale et transversale qui éclaire l’incrimination actuelle des individus et organisations défendant des positions décoloniales, anti-racistes, féministes et intersectionnelles en Europe. Présentées comme une réponse nécessaire à une crise des valeurs par certains médias et par des mouvements politiques allant de l’extrême droite à la gauche laïciste, ces attaques se traduisent notamment par de nouvelles lois réactionnaires qui alimentent des actes concrets d’islamophobie, de racisme et de discrimination.

Dans Se dire arabe au Canada : un siècle d’histoire migratoire (Presses de l’université de Montréal, 2016), Houda Asal revient sur les mouvements migratoires du Machrek (le Moyen-Orient) vers le Canada depuis la fin du 19ème siècle jusqu’à la fin des années 1970. Elle étudie l’existence publique et collective que les « Arabes » ont créé au Canada afin d’analyser leurs mobilisations politiques, et comprendre à la fois l’identité qu’iels se sont fabriquée pour elles⋅eux-mêmes et celle qui a été construite pour elles et eux par l’État canadien. Houda Asal est titulaire d’un doctorat de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris. Elle a poursuivi ses recherches à l’Université McGill au Canada avant de revenir en France où elle travaille aujourd’hui comme chercheuse indépendante sur le racisme, l’islamophobie et les discriminations. Elle prépare actuellement un essai analysant la circulation des termes “islamophobie” et “séparatisme” et leurs traductions en français, anglais et arabe ; et la façon dont elles reflètent ou cristallisent les conflits actuels autour des soi-disant valeurs républicaines françaises ainsi que, plus largement, la généralisation d’une islamophobie décomplexée en Europe, au-delà des clivages politiques traditionnels (à paraître sur qalqalah.org cet été).

Qalqalah قلقلة et Hostile Environment(s) ont toutes deux été fondées en réponse à des environnements et à des discours politiques « hostiles » qui affectent nos contextes de travail respectifs. Nous nous intéressons aux usages et mésusages du langage dans ces contextes politiques ; à la manière dont certains termes sont mal interprétés, confisqués ou détournés pour servir des visées idéologiques ; et au rôle joué par la traduction et la mauvaise traduction (de mots, de discours et d’idées) dans tout cela. L’événement « Au nom de… Fémonationalisme et islamophobie en Europe » s’inscrit dans une série de commandes, de conversations et d’événements produits par chacune de nos plateformes autour de ces problématiques, autant de tentatives de revendiquer un usage alternatif et émancipateur du langage et de la traduction dans ces contextes.

Hostile Environment(s) est une plateforme née de la recherche de l’architecte Lorenzo Pezzani (Forensic Oceanography / Goldsmiths, Londres) et co-éditée avec Silvia Franceschini (curatrice, Z33 Maison pour l’Art contemporain, le Design et l’Architecture, Hasselt), Roberto Gigliotti (Professeur, Unibz – Faculté de Design et d’Art, Bolzano) et Emanuele Guidi (directeur artistique d’arge/kunst, Bolzano). Qalqalah قلقلة est une plateforme éditoriale et curatoriale indépendante trilingue fondée en 2018 en France, menée collectivement par Line Ajan, Virginie Bobin, Montasser Drissi, Victorine Grataloup, Vir Andres Hera et Salma Mochtari.