Dans sa définition la plus simple, le FLE (Français Langue Étrangère) désigne la langue française lorsqu’elle est enseignée à des non francophones. La loi relative au droit des étrangers en France, promulguée le 7 mars 2016, stipule que « tout étranger admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaite s’y maintenir durablement s’engage dans un parcours personnalisé d’intégration républicaine. » La formation linguistique, et donc l’apprentissage du FLE, y jouent y rôle essentiel.

Comment le FLE est-il enseigné ? Sur quels outils cet apprentissage s’appuie-t-il ? En quoi le FLE se distingue-t-il du FLI (Français Langue d’Intégration) ou du FLA (Français Langue d’Accueil, une dénomination officieuse préférée par certaines associations) ? Quels enjeux linguistiques, administratifs, juridiques, politiques ou encore poétiques se nichent dans ces divers acronymes et leurs applications concrètes ? Peut-on repenser notre compréhension de « la langue » en général et de la langue française en particulier depuis cette « banlieue de la langue », comme la qualifie, non sans ironie, le collectif Rester. Étranger 1?

Depuis sa création, Qalqalah قلقلة porte un intérêt particulier aux enjeux politiques de la langue et de son apprentissage dans les contextes de migration, notamment en France. Sur qalqalah.org, deux Carnets de recherche ont été confiés à la chercheuse Myriam Suchet, également invitée de cet atelier, qui envisage les possibilités offertes par le fait de considérer le(s) français au pluriel ; et au collectif Rester. Étranger, qui s’attache à « entrer dans la langue française » depuis des positions et des voix multiples, en faisant de l’étrangeté une richesse poétique. Dans l’exposition « Qalqalah قلقلة : plus d’une langue », Serena Lee invite des travailleuses domestiques de Londres, ainsi que des artistes et chercheur·euse·s, à revisiter leur rapport affectif et politique aux langues ; tandis que le projet collectif Man schenkt keinen Hund [on n’offre pas des chiens], initié par l’artiste et enseignante dans des cours d’intégration Christine Lemke à Berlin en 2016, déconstruit les préjugés à l’œuvre dans les manuels d’apprentissage de l’Allemand langue étrangère.

Pour l’atelier Entrer dans la langue, Virginie Bobin et Victorine Grataloup invitent l’artiste et éditeur Achim Lengerer/Scriptings, collaborateur du projet collectif Man schenkt keinen Hund. Ce projet s’est en effet intéressé aux ouvrages pédagogiques d’Allemand Deuxième Langue employés dans le cadre de « cours d’intégration » imposés par la loi allemande à toute personne désireuse d’obtenir un titre de séjour. En collaboration avec des artistes, des chercheur·e·s, des activistes, des participant·e·s à ces « cours d’intégration » et des enseignant·e·s, le projet a décortiqué l’idéologie des textes et des images qui construisent, en négatif, une idée de l’« autre », entre préjugés identitaires et prétention universaliste. Le projet a donné lieu à une exposition et à un livre, proposant différentes approches ou stratégies artistiques, théoriques et militantes afin d’interroger les discours identitaires nationaux autour du concept d’« intégration ».

L’atelier Entrer dans la langue propose de transposer certaines des méthodologies artistiques, poétiques et critiques expérimentées par Man schenkt keinen Hund à l’étude de manuels et de méthodes d’apprentissage du Français Langue Étrangère et du Français Langue d’Intégration. L’atelier s’adresse avant tout à des personnes concernées par l’enseignement et l’apprentissage du FLE, et par les enjeux linguistiques, pédagogiques, juridiques et politiques qui en découlent. Des invitations ont été lancées par l’intermédiaire de la Kunsthalle Mulhouse auprès des réseaux associatifs et universitaires avec lesquels l’institution a noué des liens au fil des années.

Vendredi 9 avril (sous réserve), un événement public avec Achim Lengerer/Scriptings (du projet collectif Man schenkt keinen Hund) et la chercheuse Myriam Suchet permettra de présenter et discuter plus largement des méthodologies et des enjeux d’Entrer dans la langue.

Documentation d’un atelier conçu par Kınay$$Olcaytu (Okzidentalismus-Institut) en collaboration avec Christine$$Lemke et Achim$$Lengerer (Scriptings), au département Art en contexte de l’Université des Arts de Berlin en 2018, dans le cadre du projet *Man schenkt keinen Hund*.
Documentation d’un atelier conçu par Kınay Olcaytu (Okzidentalismus-Institut) en collaboration avec Christine Lemke et Achim Lengerer (Scriptings), au département Art en contexte de l’Université des Arts de Berlin en 2018, dans le cadre du projet Man schenkt keinen Hund.